Moinécha  Madi, une Mahoraise docteur en biophysique cellulaire
Moinécha Madi soutient officiellement son doctorat le18 septembre 2017 en présence de ses collègues, sa famille, ses amis et Mr Ali Debré Combo | © Source : Conseil départemental de Mayotte - DirCom

Moinécha Madi, une Mahoraise docteur en biophysique cellulaire

 16 octobre 2017 à 15h22 (≈ 7 ans) |  ÉTUDES DOCTORALES

Mme Moinécha MADI, originaire de Cavani M’tsapéré, vient d’obtenir son doctorat de Biophysique cellulaire à l’université Paul Sabatier de Toulouse. Fille de Mme Mariame MOUSSA et de Mr Madi N’GOUDZO, tous deux natifs de M’tsapéré, elle est fière de son parcours tout en admettant que celui-ci a été jonché d’obstacles.

En effet, après le baccalauréat scientifique décroché au Lycée de Mamoudzou, elle s’inscrit à une 1ère année de préparation aux concours en vue de devenir vétérinaire. Confrontée aux mêmes difficultés que beaucoup de jeunes mahorais (l’isolement familial, le choc culturel, nostalgie du pays...), cette année d’études est un échec. L’année d’après elle s’oriente en licence de Science de la vie de la terre à l’Université Paul Sabatier dans l’espoir d’obtenir une passerelle vers l’école vétérinaire.
Moineche MADI poursuit alors ses études et se découvre de nouvelles passions dans le domaine de la santé. Elle valide ainsi le Master 1 de Biologie de la Santé spécialisé en Pharmacologie fondamentale et clinique. La mtsapéroise postule ensuite à plusieurs Masters 2 mais n’est pas retenue pour son premier choix. Très motivée, elle décide alors de prendre le risque de repasser son Master 1 afin d’améliorer son dossier avec une mention. Pour avoir le droit de repasser certaines matières, elle convainc alors ses professeurs d’annuler quelques notes pourtant validées. Moinecha MADI atteint son objectif en sortant 2nd de sa promotion en 2012 dans le Master 2 professionnel option «Vectorologie, Thérapie génique et Vaccinologie.»

Ambitieuse, elle décide ensuite de faire une thèse avec le soutien et les encouragements des siens. C’est dans l’équipe de biophysique cellulaire de l’institut de pharmacologie et biologie structurale du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) que le projet de thèse lui est confié.

Une thèse soutenue en présence d’un élu du Conseil départemental

La jeune mtsapéroise est reconnaissante vis-à-vis de la DPSU (Conseil Départemental) de l’avoir soutenue financièrement dans cette nouvelle aventure à travers une bourse d’études de troisième cycle. Mariée, elle est enceinte de son unique enfant en 2ème année de thèse. «Bien que cela aurait pu être un handicap dans mon projet, l’arrivée de ma fille fût au contraire une nouvelle source de motivation pour atteindre mes objectifs.» nous confie-t-elle. Elle obtint ainsi sa thèse qui porte sur l’utilisation de l’ingénierie tissulaire pour étudier les impacts du champ électrique entre autres en électrochimiothérapie. Elle soutient officiellement son doctorat le18 septembre 2017 en présence de ses collègues, sa famille, ses amis et Mr Ali Debré Combo venu représenté le Conseil départemental, à l’Université Paul Sabatier.

à travers son parcours, elle a eu l’occasion de parfaire ses connaissances lors de ses différents stages professionnels dans des instituts de haute qualité comme l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Moinecha MADI a par ailleurs encadré des stagiaires dans le courant de sa thèse et dispensait à l’Université Paul Sabatier des séances de Travaux pratiques (TP) à des étudiants en qualité d’enseignante vacataire.
Cette dernière travaille actuellement au CNRS (pour quelques mois). «Si une opportunité intéressante se présente sur Mayotte, je n’hésiterai pas à la saisir.» fait-elle savoir. En effet, notre jeune docteur en sciences aimerait travailler en tant que cadre administratif dans Fonction publique (l’hôpital, l’ARS, en guise d’exemple). Elle tient à remercier les personnes qui l’ont soutenue tout au long de ce parcours, en particulier son mari, sa famille ainsi que les institutions qui l’ont accompagnée.

Résumé de sa thèse

Production et caractérisation d’un substitut dermique humain pour étudier la réponse de la matrice extracellulaire dans les phénomènes d’électroporation

L’électroporation est une méthode physique utilisant le champ électrique pour perméabiliser transitoirement la membrane plasmique afin de faciliter l’entrée de molécules d’intérêt thérapeutique dans les tissus ciblés. La principale application clinique est l’électrochimiothérapie (ECT), un traitement anticancéreux local utilisé pour traiter les tumeurs primaires et métastases. La seconde application est l’électrotransfert de gène (EGT), une méthode pour introduire des acides nucléiques à l’intérieur des cellules. Enfin, l’électroporation irréversible (IRE) est une méthode utilisée pour tuer les cellules grâce à la perméabilisation permanente des membranes plasmiques. Même si les mécanismes in vitro sont de mieux en mieux compris, l’efficacité in vivo est variable selon le tissu cible. En effet, bien que l’électrotransfert d’ADN soit très efficace in vitro sur des cultures en deux dimensions (2D), il est souvent beaucoup moins efficace in vivo, ce qui limite ses applications cliniques.

L’organisation du tissu in vivo est plus complexe que la culture cellulaire in vitro car les cellules développent des jonctions intercellulaires et une matrice extracellulaire (MEC). Des études in vivo ontdémontré que la composition de la MEC module la biodistribution de l’ADN dans le tissu et donc l’efficacité de l’électrotransfert de gène. La réponse de la MEC à l’application de champ électrique dans ce processus reste encore à définir afin d’améliorer l’efficacité de cette méthode.
Les modèles classiques en 2D ne possèdent pas cette organisation architecturale tridimensionnelle (3D) leur permettant d’être physiologiquement comparable au tissu natif. Afin d’étudier les mécanismes d’électrotransfert d’ADN à l’échelle des tissus, nous avons utilisé un modèle de peau humaine 3D pour imiter et prédire les situations in vivo. Les objectifs de ce travail étaient d’étudier le rôle et la réponse de la MEC cutanée lors de l’électrotransfert de gène à l’échelle du tissu.
La première partie de ce projet a été de caractériser la MEC du substitut dermique reconstruit par ingénierie tissulaire. La MEC a été caractérisé par microscopie électronique, coloration histologique et génération de seconde harmonique (SHG). Pour évaluer si ce modèle imite efficacement la réponse in vivo observée lors de l’électroporation, une gamme de voltage utilisant des paramètres électriques ECT ou EGT a été appliquée et la perméabilisation cellulaire ainsi que l’expression du plasmide ont été analysées sur tissu frais.
Dans la deuxième partie, nous avons étudié les effets directs et indirects du champ électrique pulsé sur les collagènes fibrillaires. Les paramètres de champs électriques ECT, EGT et IRE ont été appliqués directement sous le microscope à deux photons afin de visualiser les modifications de la SHG en direct.
En conclusion, des substituts dermiques humains riches en MEC endogène ont été produits selon l’approche d’auto-assemblage. Notre étude montre que les cellules de ce modèle 3D sont efficacement électroperméabilisées. Un gène rapporteur a été électrotransféré avec succès dans ce modèle 3D et les cellules transfectées se trouvaient uniquement à la surface du tissu, en contact avec la solution d’ADN plasmidique. En outre, nous avons montré que le succès de l’électrotransfection dépend de la mobilité des plasmides dans les tissus riches en collagènes. L’ingénierie tissulaire produit un outil biologique valide pour l’étude in vitro des mécanismes d’électrotransfert de gène dans la peau humaine. Enfin, nous avons observé que les paramètres électriques classiquement utilisés en ECT et EGT ne modifient pas l’organisation des collagènes fibrillaires à la fois dans des tissus vivants et décellularisés, contrairement à ceux utilisés en IRE qui diminuent de manière significative et stable l’intensité de SHG dans les tissus frais, très probablement à cause d’une importante libération de métalloprotéinases (MMPs) actives. Les collagènes fibrillaires sont donc affectés indirectement par l’application d’impulsions électriques IRE.

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